Naissance des crèches familiales

 Mais les gens, qui étaient profondément religieux, avaient l'habitude d'aller à l'église pour voir la crèche à Noël. Ne pouvant plus y entrer puisque les églises étaient fermées, ils ont commencé à faire la crèche chez eux, en se cachant car c'était interdit. C'est en Provence que cela s'est fait en premier. Ils réalisaient alors de tout petits personnages qu'ils pouvaient cacher facilement. Il fallait faire très attention : si on se faisait prendre, on risquait de se faire couper la tête. Ces petits personnages étaient de petits saints : Joseph, Marie et l'enfant Jésus, d'où l'appellation santons. (Santon = petit saint, santoun en provençal.)


Les premières crèches d'église apparurent au XVIe siècle. Elles remplaçaient de manière statique et théâtrale les jeux scéniques des liturgies médiévales. Puis la formule se popularise. Au XVIIIe siècle, dans les maisons aristocratiques et bourgeoises, on voit des préfigurations de la crèche domestique, sous la forme de boîtes vitrées décorées, appelées grottes ou rocailles.
On y trouve des représentations de l'enfant Jésus, ou des scènes de la vie du Christ et des saints. Les figurines, réalisées en cire, en mie de pain ou en verre filé, s'exposent dans un décor imaginaire de fleurs, de cascades d'animaux évoquant le Paradis. Les crèches napolitaines connaissent notamment un grand succès.
À l'origine, la crèche familiale se limitait aux personnages de la Nativité. Au Québec, les premiers personnages de la crèche étaient fabriqués en cire par les congrégations religieuses.

 
Puis, au XVIIIe siècle, apparut dans le Midi de la France une petite industrie qui se mit à fabriquer tous les personnages de la crèche. Avec les premiers santons provençaux, la crèche familiale prend davantage d'envergure, certaines comptant même parfois une quarantaine de personnages différents.
Le véritable essor des santons est lié à la Révolution française qui interdit la Messe de Minuit et les crèches d'église. À son corps défendant, la République inventa donc la coutume de la crèche familiale ! Restés très fidèles à leurs crèches, les Marseillais contournèrent la loi en créant des "crèches publiques", qui étaient en réalité des crèches privées ouvertes au public. On ouvrait son logis à la visite pour faire admirer la crèche familiale.
L'usage se répandit alors de monter une crèche dans chaque foyer, pour le plus grand bonheur des santonniers. Grâce au travail de ces habiles artisans, les fameux santons de Provence, apparus pour la première fois à la foire de Noël à Marseille en 1803, gagnèrent rapidement la faveur populaire : ils concurrençaient les santons de cire, plus raffinés, mais aussi plus coûteux. Bientôt, ces petits personnages aux couleurs vives garnirent les crèches provençales, mais aussi celles du Dauphiné, du Roussillon et du Languedoc. Tout un peuple de personnages non bibliques apparût autour de Jésus : ce sont les personnages du petit peuple de Marseille, et de la Provence.
Après la tourmente révolutionnaire, les crèches mécaniques reprirent leur essor avec des spectacles où les prouesses de la machinerie et les situations fantaisistes primaient sur le religieux. Puis les pastorales détrônèrent à nouveau ce type de théâtre populaire. La première pastorale "sacrée" fut jouée à Toulon le 25 décembre 1333 sous le titre de "La jeunesse de la Vierge et la naissance de Jésus Christ". Mais la plus célèbre des pastorales a été écrite à Marseille en 1844 par Antoine Maurel, dans le Cercle catholique d'ouvriers de l'abbé Julien, à Marseille. Maurel, qui fut tonnelier, doreur, miroitier, comptable puis mutualiste, imagine avec humour et tendresse les habitants d'un village de Provence prenant le chemin de Bethléem, sous le poids de leurs faiblesses, pas très reluisantes, comme celles de chacun.
C'est ainsi que la Provence donna son visage à de très nombreuses crèches en France et dans le monde, et que les crèches contribuèrent à évangéliser les âmes. Mais surtout, ne le répétez pas.

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