Jésus n'est pas né un 25 décembre. L'Église a choisi cette date parce qu'elle coïncidait avec une fête païenne existante - Sol invictus - qui célébrait le solstice d'hiver et, avec l'allongement des jours, le retour de la lumière.
Noël a conservé une popularité intacte.
Mais s'agit-il uniquement d'une fête religieuse ?
Mais s'agit-il uniquement d'une fête religieuse ?
Un
chrétien vous répondra "oui" sans hésiter. Et le croyant déplorera tout
ce qui est associé à Noël : la débauche de cadeaux, les repas
plantureux... Bref, les excès en tout genre.
En
réalité, la véritable origine de Noël remonte à des temps très anciens,
il y a bien plus de 2000 ans. Et de nombreux rites associés à Noël,
revisités ou non par l'Église, s'expliquent par cette lointaine origine.
On
le sait, Jésus n'est pas né un 25 décembre. Il n'est même pas né en
l'an zéro, mais beaucoup plus sûrement quelques années plus tôt. Il
n'est même pas certain qu'il soit né à Bethléem, mais plus
vraisemblablement à Nazareth. L'essentiel n'est pas là
Quant
au 25 décembre, cette date a été retenue, vers 330, par l'Église parce
qu'elle correspondait à des célébrations plus anciennes. Sous
l’antiquité romaine, par exemple, les Saturnales se déroulaient à cette
période de l’année, accompagnées de grandes réjouissances populaires.
Le 25 décembre, c'est aussi le moment de l'année où les jours les plus courts promettent le renouveau, c'est la fête du Sol invictus, le soleil invaincu. Un bon choix pour fêter la naissance d'un homme que les chrétiens considèrent comme la "Lumière du monde".
La
volonté de paix et de réconciliation, la coutume d'échanger des cadeaux
et l'abondance marquée par de grands repas existaient déjà avant que
Noël ne devienne une fête chrétienne.
Noël, aujourd'hui, conserve les marques de cette double origine : païenne et chrétienne.
Cela
n'empêche pas le croyant de voir dans cette naissance bien plus que le
prétexte à faire ripaille. Un enfant-Dieu né dans une mangeoire,
quasiment à la rue... c'est autre chose.
Mais cela n'interdit pas non plus à ceux qui ne croient pas de se réjouir à ce moment-là.
Oui. Il y a d’abord une évidence signalée par les textes. L’évangile de Luc, qui parle de la Nativité, évoque des bergers dans des champs avec leurs troupeaux la nuit. Or, en décembre à Bethléem, ce n’est pas du tout le cas. Ce n’est pas le moment de la naissance des agneaux, qui a plutôt lieu au printemps.
Oui. Il y a d’abord une évidence signalée par les textes. L’évangile de Luc, qui parle de la Nativité, évoque des bergers dans des champs avec leurs troupeaux la nuit. Or, en décembre à Bethléem, ce n’est pas du tout le cas. Ce n’est pas le moment de la naissance des agneaux, qui a plutôt lieu au printemps.
Il y a aussi la piste astronomique, très intéressante. Dans l’évangile de Matthieu, l’étoile qui guide les rois mages
est explicitement mentionnée. Les recherches scientifiques disent aujourd’hui que ce phénomène stellaire très spectaculaire – l’étoile indique l’endroit de la naissance du Christ comme une traînée descendant jusqu’au sol – se serait produit au printemps, en avril, en l’an -6 avant Jésus-Christ.
Cela rejoint ce que l’on sait depuis longtemps sur l’erreur de datation de notre ère: c’est au 6e siècle que le religieux Denys le Petit s’est trompé de -4 à -6 ans quand il a calculé l’Anno Domini, l’année de naissance du Christ, à la demande du pape!
Le Christ serait donc né au début du printemps 6 ans avant notre ère...
– N’oublions pas la mentalité d’alors. Il s’agissait de trouver une date. L’Eglise catholique aurait pu choisir le 6 janvier, l’Epiphanie, la visite des rois mages, afin de souligner que la venue du Christ n’était pas que pour les juifs, mais pour le monde entier. En outre, Rome faisait face aux Eglises d’Orient qui s’étaient déjà emparées de cette date, célébrant à la fois la Nativité, le baptême du Christ et les noces de Cana – la symbolique de l’eau n’est pas étrangère à cela, il semble que le Nil commençait sa crue à cette époque.
Au 4e siècle, rappelons-nous les polémiques âpres, parfois violentes, sur la nature du Christ. Les ariens privilégiaient le caractère humain dans la personne du Christ, croyant que sa divinité ne se serait manifestée que lors de son baptême dans le Jourdain. Mais Rome répliquait que sa divinité s’était manifestée dès sa naissance (la consubstantialité du Fils avec le Père). Tout cela explique pourquoi le 6 janvier n’a pas été choisi.
Mais pourquoi le 25?
– Notre hypothèse, c’est qu’il n’y a rien, précisément, le 25... Les Saturnales se déroulent du 19 au 23 décembre et les calendes ont lieu le 31. La nécessité de trouver un équilibre, d’avoir une date libre et de se démarquer du calendrier festif romain a finalement amené au choix du 25.
Un 25 décembre par défaut!
– Une justification symbolique sous-tend aussi ce choix. La théologie chrétienne a le souci de faire coïncider le caractère prophétique de l’Ancien et du Nouveau Testament. C’est un mode de construction de la mentalité religieuse. Si l’on se réfère à la relation entre Jean-Baptiste et Jésus (Marie est parente d’Elisabeth), un verset de l’Evangile dit qu’«il faut qu’il croisse et que je diminue». Le Baptiste est né six mois avant le Christ. Il le précède et a été conçu à l’équinoxe d’automne. Jésus à l’équinoxe du printemps – c’est l’Annonciation; et sa naissance survient aux environs du solstice d’hiver – la lumière de Noël, l’espérance dans les ténèbres.
La logique religieuse rejoint cette critique récurrente: les chrétiens auraient calqué Noël sur une fête païenne. Est-ce vrai?
– Cette idée reçue remonte à une glose du Syriaque Bar-Salibi au 12e siècle; elle a été popularisée au 19e siècle par l’anthropologue James Frazer dans sa somme célèbre Le Rameau d’Or. Mais elle est discutable. Noël est célébré durant la période du solstice d’hiver, pas
le jour même du solstice. Certes, les jours
qui diminuent provoquent de l’anxiété. Et si le soleil ne revenait pas?, questionne le roman de Ramuz. L’espérance de Noël répond à cette peur ancestrale. Mais l’usage de la symbolique solaire n’est pas propre aux païens gréco-romains, on la retrouve dans chaque religion, c’est un archétype puissant, universel!
Les chrétiens ont utilisé le langage qui était le leur, une grammaire sacrée riche en images solaires. Le Livre de Malachie annonce «le soleil de justice». Selon Luc, Zacharie prophétise «l’astre levant venu d’en haut». Et Jésus est «la lumière du monde» dans l’évangile de Jean. Ces références sont abondantes.
Les chrétiens n’ont pas usurpé cela – on les a accusés d’avoir détourné les citoyens romains du culte de Mithra, important alors – puisqu’ils baignaient dans ce langage explicite de type religieux. En outre, selon les recherches récentes, il semblerait que les Romains aient plutôt développé la fête solaire, soit le culte de Mithra, afin de concurrencer le succès du Noël des chrétiens... C’est notre thèse.
Noël a toujours été politique, en somme?
– Oui. C’est flagrant aussi au 19e siècle. A l’ère de la construction des Etats-nations et du positivisme, chaque pays se cherche les racines les plus éloignées possibles, préexistantes au christianisme. Chacun imagine une continuité: c’est le «nos ancêtres les Gaulois...» avec un vernis chrétien. Ce n’est pas entièrement faux puisqu’il y a eu du syncrétisme entre paganisme et christianisme. Mais cette recherche de «pureté» a pu devenir douteuse, alimentant les nationalismes et les fantasmes d’extrême droite.
Au 19e siècle, on constate que chaque pays, surtout l’Allemagne et l’Angleterre, se revendique dépositaire du «vrai Noël». Mais le décorum de cette fête avec son sapin est avant tout germanique!
Noël est donc germanique. Mais la reine Victoria?
– La reine Victoria, qui incarne la domination de l’Angleterre au 19e siècle, avait un mari d’origine allemande. C’est pour lui faire plaisir qu’un sapin fut dressé au château de Windsor, en 1841, pour la première fois. L’Allemagne était alors la réserve des princes et princesses des royautés d’Europe. Il fallait «un sapin à l’allemande» à la cour. Cette pratique s’est ensuite répandue parmi le peuple. La première représentation picturale d’un sapin décoré en arbre de Noël remonte à 1760 en Allemagne. C’est un symbole de végétation et d’espérance: le sapin reste vert malgré le blanc manteau de l’hiver, on en trouve sans problème en décembre et il s’oppose aux feuillus qu’on utilise à la Fête-Dieu, en mai.
Le sapin est aussi un attribut de saint Nicolas. Sa commémoration, le 6 décembre, condense d’ailleurs deux fêtes médiévales. Celle de l’âne: cet animal, présent selon la légende dans l’étable de Bethléem, qui a porté la Vierge en Egypte et Jésus entrant à Jérusalem, assistait à la messe à la fin de laquelle les fidèles faisaient «Hihan!». Et celle de la fête des Innocents: un faux évêque, jeune, était élu dans les couvents lors d’une mascarade temporaire.
Aujourd’hui, beaucoup ont le blues de Noël. De commémoration religieuse, cette fête est devenue une orgie de consommation...
– Je relève que le Père Noël, le Santa Claus des Anglo-Saxons, est un avatar de saint Nicolas. Il a été amené en Amérique avec les immigrés. Il s’y est laïcisé avant de revenir en Europe par effet boomerang. Sans mitre d’évêque, mais avec toujours la couleur rouge, et sans son double qu’est le Père Fouettard – un couple indo-européen ancestral: la fécondité et la végétation s’opposent à la mort et à la punition. Il ne reste de saint Nicolas, sous les traits du Père Noël, qu’une personnification de l’hiver avec un physique débonnaire, un teint rubicond et des cadeaux plein les bras pour les enfants. Mais Coca-Cola ne l’a pas inventé: Santa Claus existait déjà lors de la guerre de Sécession et avant que les GI’s ne libèrent l’Europe occidentale du nazisme!
Que faut-il encore attendre de Noël?
– Il est évident que le dévoiement de Noël, mondialisé à partir des années 1950, est à l’image des sociétés occidentales où tout se commercialise. Le cas des marchés de Noël, où l’on vend n’importe quoi sans plus tenir compte de la région et de la saison, est emblématique.
Mais si Noël s’est complètement sécularisée, elle reste la fête de la famille, de l’entre-soi, des proches, du foyer. Il est parfois difficile de conjuguer les caractères différents au sein d’une même cellule familiale et la famille décomposée-recomposée n’arrange pas la donne.
Noël reste pourtant la fête de l’espérance. Elle conserve sa féerie avec sa veillée et ses bougies qui luisent dans la nuit. Des gens qui ne vont plus à l’Eglise se rendent à la messe de minuit. Malgré tout, Noël garde sa légitimité. Avec un passé long et complexe, elle a toujours un avenir.
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